« PVI : UN COMBAT SOCIAL ET INDUSTRIEL »
POUR CE DERNIER NUMÉRO DE LA MANDATURE, LE PRÉSIDENT ANDRÉ SALOMÉ M’A DEMANDÉ D’APPORTER MON TÉMOIGNAGE D’ÉLU, ENGAGÉ JUSQU’AU COU DANS L’AFFAIRE PENTAIR PUIS PVI (PICARDIE VALVES INDUSTRIES). JE PRÉCISE DE SUITE QUE JE « DÉDICACE » CE TÉMOIGNAGE AUX ÉLUS QUI AGISSENT, À CEUX QUI M’ONT SOUTENU, ET SURTOUT AUX COLLÈGUES QUI M’ACCOMPAGNÈRENT ET ME SOUTINRENT.
« Entrer en résistance n’était pas suffisant : il fallait passer à l’offensive, et très vite. »
15 DECEMBRE 2015 : le groupe Pentair annonce la fermeture de l’usine de Ham. Un séisme pour des salariés, qui ne s’y attendaient absolument pas : la mondialisation fait une irruption soudaine dans nos vies, celles de nos proches, et celle de notre territoire.
D’évidence, je rejetais ce diktat. Et mes mandats m’interdisaient toute faiblesse, comme accepter des offres d’emploi externes en CDI. Entrer en résistance n’était pas suffisant : il fallait passer à l’offensive, et très vite. En tant que représentant du personnel, en détruisant les motifs invoqués, en tant qu’élu local, en interpellant le monde politique, tout en tentant d’expliquer en interne que ce qui semblait inéluctable pouvait être évité. Restait à le prouver.
Avec deux autres salariés, dont le directeur du site du moment , qui démontrait chaque jour qu’un bon manager est avant tout un vrai leader, nous nous retrouvâmes à monter un projet de reprise. Nous n’y connaissions rien, mais la volonté abattit des montagnes. Accompagnés d’avocats et d’un expert-comptable, spécialisés, non pas en plan de licenciement, mais en reprise d’entreprises, un dossier fut monté, reconnu par tous ceux qui y eurent accès comme étant le meilleur. Malheureusement, la décision restait à Pentair : sans doute que laisser l’entreprise aux rebelles demeurait inacceptable. Et c’est ainsi qu’Altifort fut choisi, en héritant des conditions que nous avions négociées. Si nous avions su ce qu’il en adviendrait, nous n’aurions pas laissé faire : car Pentair, le cabinet Y&J et Altifort s’étaient rendus coupables d’une malversation à notre encontre. Mais, après 9 mois de lutte, usés, trompés également, nous partions du constat que l’essentiel était accompli : la société continuait son activité.
Après une courte période de collaboration, des différences de perception de marchés, de stratégie, se firent jour. Malgré les avertissements des uns et des autres, l’entreprise s’enfonçait dans une spirale destructrice : des millions furent transférés vers la holding, 30 années d’évolution positive se trouvaient remises en cause. Vinrent les menaces devant l’absence des résultats escomptés. Mais l’inéluctable se profilait à l’horizon, car le même aveuglement était transposé dans toutes les filiales. La holding fut placée en redressement judiciaire en juin 2019, et le mandataire mit en vente l’ensemble des actifs (dont l’usine de Ham) début Août 2019.
« L’absence de solution aurait signifié la liquidation de l’usine. D’abord spectateur, je redevins actif, grâce à l’interpellation de quelques collègues. Je repartais au combat, toujours convaincu qu’il faut être acteur de son avenir, et animé des mêmes raisons et motivations. »
L’absence de solution aurait signifié la liquidation de l’usine. D’abord spectateur, je redevins actif, grâce à l’interpellation de quelques collègues. Je repartais au combat, toujours convaincu qu’il faut être acteur de son avenir, et animé des mêmes raisons et motivations. En tant qu’élu du personnel, adjoint au maire et vice-président de la communauté de communes, il était inimaginable et inacceptable d’envisager le pire. Je remontai donc un nouveau dossier qui fut présenté au mandataire judiciaire dans les délais. PVI faisait encore dans l’exception, car grâce à une trésorerie toujours positive, la vente organisée par le tribunal de Paris se devait d’être « in bonis », c’est-à-dire que le futur acheteur reprenait actifs et passifs (l’ensemble du personnel, tous les encours financiers, bref, tout, même les surprises éventuelles), cette procédure est très rare : en général, malheureusement, les décisions des tribunaux administratifs entraînent des drames économiques et humains. Pour Ham, une vingtaine de marques d’intérêt furent enregistrées, six offres de reprise transmises, dont seules 4 furent retenues par le mandataire, dont la mienne. Nouveau tournant : je connaissais deux de mes « concurrents », pas le troisième. Il advint cependant que ce dernier (LK Hydraulics) me contacta. S’ensuivit quelques échanges, dans le but de me demander de soutenir leur offre. Emoussé par l’expérience Altifort, il faut bien comprendre que l’on ne peut donner sa confiance facilement… Cependant, après échanges avec quelques collègues, le constat de visions industrielles et humaines proches de mes convictions, et le fait que LK Hydraulics gérait depuis plus de vingt ans d’autres entreprises avec succès, notamment dans des domaines d’activité proches, me convainquit d’accéder à leur requête, et de témoigner en ce sens au tribunal. De plus, la possibilité pour les salariés d’acquérir 20% de l’actionnariat démontrait un souhait de collaboration : il me fut demandé d’orchestrer cette partie. Restait à tenir, car rien n’était acquis : Altifort, dans ses derniers soubresauts tentait de nous placer en redressement judiciaire afin de favoriser une reprise par leur champion ! Finalement, le tribunal de commerce revendit PVI à LK Hydraulics : c’est une nouvelle page qui s’ouvre et s’écrit en 2020. Le souhait de tous étant de nous permettre d’enfin travailler sereinement, en restant conscient que le monde économique qui nous entoure est exigeant.
Qu’en retenir ?
Les intérêts économiques peuvent générer des attitudes inacceptables, voir immorales. Retenir et accompagner une solution la plus humaine possible est de notre responsabilité en tant qu’élu : nous sommes élus par nos concitoyens qui, par leur vote, nous transmettent une confiance précieuse qu’il ne faut pas trahir. L’engagement se doit d’être concret et il ne faut rien lâcher: notre territoire a besoin de ses entreprises pour prospérer.
« la reprise de la société PVI aurait été beaucoup plus compliquée sans la ténacité et l’implication de deux personnes clés que sont Bertrand Vermander dans son rôle de salarié de PVI, de représentant du personnel et d’élu local, ainsi que Johny Poidevin en tant que directeur général de PVI » selon Pierre Farin,
administrateur de LK Hydraulics