Interview d’André Salomé, président de la Communauté de Communes de l’Est de la Somme.
Propos recueillis par Jacqueline Martinez
J.M.
Le groupe allemand Südzucker, propriétaire de la filiale Saint-Louis Sucre a annoncé la fermeture de deux des quatre sucreries qu’elle détient en France dont celle d’Eppeville. Elle devrait intervenir en 2020. Comment réagissez-vous à cette annonce ?
A.S. Le site d’Eppeville n’est pas encore fermé ! Derrière les 132 personnes directement concernées, près de 600 emplois indirects et induits sont menacés : les agriculteurs bien sûr, mais aussi les sous-traitants (chaudronnerie, mécaniciens, électriciens…), les transporteurs, les commerces locaux, etc. Ce serait catastrophique pour notre territoire où la betterave offre un bon rendement sans être grande consommatrice d’eau. Cette fermeture destabiliserait l’agriculture régionale et dégraderait pas moins de 1 275 exploitations agricoles.
J.M.
Devant ses actionnaires, le n°1 du sucre en Europe a défendu l’idée d’une restructuration rendue indispensable par des pertes cumulées depuis 5 ans et l’effondrement du marché. Les prix du sucre ont en effet chuté de 25% en un an à 320 euros la tonne, alors qu’elle en valait 600 euros il y a encore quelques années. Êtes-vous sensible à cet argument ?
A.S. Il est vrai qu’en 2017 la profession a dû faire face à la suppression des quotas européens en vigueur depuis 1968, alors que la filière betterave était complètement autonome et ne coûtait rien à l’Europe. Mais elle a su réagir et se moderniser. Et nous avons bon espoir qu’elle redevienne rémunératrice sous peu. La vérité c’est que les Allemands profitent de l’aubaine pour optimiser leur outil industriel et c’est nous qui en faisons les frais. Si l’on ajoute la fermeture du site de Cagny, également annoncée, c’est l’ensemble de la filière betterave-sucre qui est touché : cela représente 36 000 ha de betteraves (21 000 ha à Eppeville et 15 000 ha à Cagny) et 500 000 tonnes de sucre soit près de 10 % de la production française.
J.M.
Pour autant, Sudzücker n’annonce pas de licenciement sec à Eppeville, mais une mutation des 122 salariés à Roye, tandis que 10 resteront sur le site reconverti au stockage de sucre, sirop et mélasse.
A.S. C’est un coup tordu ! Un site de stockage, c’est l’assurance d’avoir une friche industrielle pendant les 5 à 10 ans à venir. Ce n’est pas une solution. Si le groupe allemand souhaite se retirer, il faut ouvrir la porte aux projets de reprise. Avec cette option, Südzucker veut échapper à la loi Florange qui l’oblige à chercher un repreneur. Nous – salariés et agriculteurs du territoire – sommes pris en otage, c’est inacceptable ! Espérons que le gouvernement français ne laissera pas faire.
J.M.
Et vous, élus du territoire, que comptez-vous faire ?
A.S. Certainement pas se résigner ! Et faire confiance aux professionnels. La Confédération Générale des planteurs de Betteraves (CGB) a organisé de nombreuses rencontres et manifestations jusqu’à Mannheim, devant le siège du groupe allemand. Eppeville est un site industriel économiquement viable. On sait que les négociations vont être difficiles, la partie de bras de fer est engagée, mais la CGB est déterminée.
SÜDZUCKER
N° 1 EN EUROPE
a annoncé en février l’arrêt de la production des usines de Cagny (Calvados) et d’Eppeville (Somme) ainsi que l’activité du site de conditionnement de Marseille. Deux autres usines vont fermer en Allemagne et une dernière en Pologne.
LA SUCRERIE D’EPPEVILLE
compte 132 SALARIÉS (dont 23 dans les services centraux, administratifs, direction technique
et direction betteravière).
LE SITE
D’EPPEVILLE
est approvisionné par
1 268 AGRICULTEURS.